Paisibles semaines Athéniennes !

Cela fait tout juste deux mois que nous sommes venus nous installer dans ce « village » coincé entre Patission à l’Ouest, l’Ilektrikos à l’Est, Kato Patissia au Sud et Ano Patissia au Nord. Notre bout d’Athènes, en faisant fi de ses immeubles béton, est assimilable à un village avec son quartier animé autour de la station de métro Agios Eleftherios et les rues attenantes, son laiki du lundi matin ou l’on trouve toutes les saveurs des campagnes grecques, son école 109 dont le parvis est notre lieu de rencontre et bien évidemment le café de Giorgos à deux pas de l’immeuble. Des visages familiers nous ont repéré et nous glissent un « bonjour » (le vendeur de banane du marché qui n’est pas du matin), un Gia Sou, bravo Pédia (le vendeur de frappé devant la station de métro), ou un Ti Kanis avec une petite tape sur l’épaule (Giorgos le patron du café d’en bas qui suit notre histoire depuis avril dernier et que nous connaissons, sans qu’il n’en sache rien, depuis de nombreuses années où nous venons rituellement prendre un café sur sa terrasse)

Les deux mois qui viennent de s’écouler pèsent plus qu’une année tellement nous les avons projetés, ressassés et finalement vécus dans la réalité du quotidien. Ce quotidien fut celui des travaux à terminer, puis des difficultés pour l’école que nous avions sous-estimées, des papiers à réaliser, la recherche d’activités pour remplir nos journées et finalement, depuis quelques semaines, le rythme tranquille, paisible comme une longue journée au bord d’une plage d’Argolide : sans vagues.

A quoi ressemblent mes semaines, c’est la question que certains m’ont posé. Ma semaine démarre le « deftera » (le lundi) qui est réellement le deuxième jour de la semaine grecque. C’est le seul jour de la semaine où tout est réglé, non pas à la minute près mais les activités s’enchainent rituellement dans le même ordre. Nous déposons les petits à l’école puis nous filons avec notre caddy bleu de YaYa au Laïki dans la rue d’à côté. On y fait le plein de fruits et légumes de saison pour 30€/40€ par semaine pour tous les 4. Nous sommes quelques peu grégaire car nous ne faisons que la partie basse du marché qui lui remonte jusqu’à Patission. Nous achetons « chez nous » en bas, à ceux que nous pensons connaitre et en qui nous faisons confiance. La nécessité de la confiance nous la ressentons ici : pas de papier, une parole donnée, une poignée de main suffisent bien souvent et nous ne sommes pas déçu : je pense à Tony ou à Costa pour les travaux réalisés à la maison, à la station-service à laquelle nous avions laissé notre voiture pleine de notre déménagement en pleine nuit avec nos clés et 10 balles pour le gardiennage, ou encore Cléopâtra une des voisines a qui ont avait donné nos clés au cas où. Mais bon je digresse… 

Le lundi c’est aussi l’un des jours de sport avec les sorties course à pied au parc Nea Filadelphia qui se trouve à 2km de la maison. Ici se trouve l’antre de l’AEK, le club des expatriés de Smyrne. Il faut absolument venir voir ce stade dont on devine les tours depuis le Lycabete. Il est un témoin de ce pays perdu au travers de photos et de textes racontant cet épisode de la vie grecque. 

C’est également un jour de lecture. Je n’ai jamais autant lu que depuis cet été. Sans la charge mentale liée au travail, c’est un vrai plaisir de lire et de prendre le temps de réellement lire ce que je lis… Ces lectures et les échanges avec les quelques français que j’ai pu rencontrer me donnent envie de creuser l’histoire récente des Balkans et de la Méditerranée. Je vais également essayer de trouver des lectures sur l’Albanie dont on dit que les religions y vivent de manière apaisée et où l’électricité est totalement d’origine renouvelable. 

Le lundi soir, je suis un cours de grec pendant 1h30 à l’institut français. Nous sommes un groupe de 8-10 adultes débutant en grec et ça roule. M., l’enseignante, est top. Son cours est orienté sur la pratique orale. Même si après un mois de cours on commence à comprendre qu’elle suit un programme, elle ne nous bloque par dans un carcan scolaire et nous pousse à parler. Au-delà de l’apprentissage du grec elle est passionnée et surement diplômée en études des langues. Elle prend le temps de nous présenter l’étymologie des mots : 

  • exarchia du grec ancien « archie » qui signifiait le pouvoir (en dehors du pouvoir du coup) ce qui nous permet de mieux comprendre le nom de ce quartier emblématique d’Athènes. Cette règle vaut également pour le mot anarchie,
  • Mélancolie qui vient de Melas (noire) et Kholë (la bile) que les médecins de l’époque associaient à la tristesse. On a vite fait de faire un lien avec l’expression française « ne te fait pas de bile »,
  • Tragédie qui vient du grec ancien Tragos (le bouc) que l’on sacrifiait au début du spectacle et dont la peau était utilisée pour faire le masque et de « Odi » (chanson) qui a donné l’ode,
  • Ou en grec le terme « leoforio » qui désigne le bus et qui est constitué du terme « Lamo » (le peuple) et forio (apporter). Ce terme désigne également l’avenue.

Elle nous évoque également l’histoire de la langue grecque dont les locuteurs sont peu nombreux mais dont l’histoire est riche. En deux mots, il y avait beaucoup de dialectes des Balkans qui étaient utilisés en Grèce. Il y a eu une réforme, une normalisation, de la langue grecque dans les années 60 qui a entrainé la création du grec moderne. J’essaierai de trouver plus d’informations à ce sujet pour un prochain article.

Elle nous parle également des noms des plats grecs qui sont les mêmes que les turques mais prononcés différemment ; elle évoque également l’histoire de la commémoration du soulèvement de l’université polytechnique 17/11/1973 et les quartiers à éviter le jour de cette anniversaire (je ferai un article au sujet de ces événements et de leurs commémorations aujourd’hui). 

J’ai également cours le mercredi soir même lieu, même équipe. 

Le reste de la semaine, je travaille le mardi et le jeudi matin avec la France. C’est bien, ça me permet de garder un lien avec le cadre professionnel et ça met du beurre dans les épinards. C’est chouette de pouvoir travailler de cette manière mais, comme cette année il ne faut pas trop forcer, en janvier c’est terminé, je retourne en vacances à temps plein. 

Les petits finissant l’école à 13h15, nous nous occupons d’eux tous les après-midi. Alex gère les devoirs en grec et je l’aide pour le CNED de français entre deux lectures. Ils se débrouillent bien et ne rechignent pas à travailler donc c’est plutôt chouette. 

Nous essayons de quitter Athènes toutes les 3 semaines. Pour le moment nous sommes allés principalement à Kilada pour profiter de la plage, faire découvrir notre Xorio (prononcer chorio, notre village) ou gérer des éventuels travaux car une terrasse s’affaisse. Nous avons profité d’un weekend au Mont-Parnasse et bientôt au mont Olympe ou je vais participer à un trail. 

Les weekend à Athènes, nous profitons pour nous balader dans la ville, retrouver les camarades de classe au parc, manger un morceau à la taverne ou tout simplement rester à la maison à poursuivre notre boulimie de lecture. 

Bref, nous profitons du temps que nous avons pour vivre paisiblement et plus intensément avant que l’excitation du monde autour ne nous rattrape…