La maison de Kilada 

Le village se trouve en Argolide à 2h30 d’Athènes. Il se situe dans un petit golfe qui héberge de nombreux pêcheurs et une île mystérieuse, celle d’un armateur milliardaire, c’est « l’île du riche ». Elle est arborée par des arbres de grandes portées et éclairée de centaines de lumières une fois la nuit tombée. Elle nous appelle depuis la terrasse et nous donne envie de tenter la traversée, pour y pénétrer en douce au clair de lune.

Notre maison se trouve au-dessus de l’école du village, elle est jaune et toute biscornue. Pendant que nous œuvrons à l’intérieur, les petits s’établissent dans la cours de l’école où ils retrouvent leurs amis Spiros, Maggi, Yanni, Crissi et Crissa pour des courses de vélo et de tracteurs à pédales, pour des aventures dans le train perdu ou encore des sessions de basket endiablées sous les paniers. Cela nous va bien comme ça nous pouvons avancer sur les enduits, la robinetterie défaillante, les peintures ou encore le tri des années de cumul de Papou Gégé et GiaGia Vassilia.

Quand nous ne sommes pas à la maison, nous partons en vadrouille. Cet hiver, elles furent nos pauses chaleurs car la maison vis avec son environnement : elle est froide quand il fait froid, humide quand il fait humide (souvent plus longtemps qu’à l’extérieur) et chaude quand il fait chaud. Nous filons souvent jusqu’à Agios Nikolaos la petite chapelle auprès de laquelle repose GiaGia Vassilia, nous allons trouver le sable de la plage de Lepitsa Baie en fin de journée ou nous poussons encore plus loin jusqu’à Franchi Cave pour une marche au milieu des rochers. Le soir venu nous descendons au pediki kara (parc) où les enfants s’envolent vers la lune dans la grande fusée pendant que nous profitons de la terrasse du Giros d’à côté !

le phare d’Agios Nikolaos
descente à pieds à Lepitsa
Agios Dimitris

Nous pourrions vivre ici en autonomie si l’eau y était potable. A l’époque athénienne nous faisions nos stocks pour tenir entre deux séjours en remplissant des dizaines de bouteilles d’eau en plastique vide. On y trouve notre poissonnerie, une boucherie avec l’agneau qui y est débité entier, sous nos yeux, pour la préparation des païdakia, le miel et l’huile d’olive de Lila’s à l’entrée du village et même un kritikos pour les jours de besoins. J’ai oublié de parler du rosé du boucher à 3€ le litre et demi qui mêlé à l’ouzo nous aide à nous plonger dans les siestes estivales. Pour les fruits et légumes il y a les vendeurs ambulants, ceux avec la benne en toile et la balance à l’arrière du camion, mais nous avons pris l’habitude d’aller au marché du jeudi à Ermioni. On n’y reste pas longtemps car il ne donne pas envie d’y flâner et on y entend trop le français mais il est bien achalandé.

On y a plein de projets pour en faire un bon petit nid douillet pour nous et nos invités. La priorité de l’année c’est de remonter le mur du jardin qui s’est effondré et dans quelques années, la terrasse qui glisse doucement vers le bas du terrain.

A Kilada, il y a aussi et surtout les giagia Eleni et Kiki sans qui la vie serait moins plaisante. Elles sont nos informatrices sur les changements dans le village, les bonnes adresses, les artisans pour nous aider, etc. Elles reçoivent notre courrier, ont nos clés : c’est en quelque sorte notre famille ici.

Eleni a décidé de faire de Marcel et Félix ses 6ème et 7ème petits enfants. Elle était très proche de GéGé (dont elle était jumelle) et Vassilia. Depuis leur décès et notre année passée ici, elle a décrétée qu’elle etait leur grand-mère grecque. Les enfants en sont contents et adorent lui faire des câlins. Même Marcel qui en temps normal n’aime pas trop ça. Elle nous fait des petits plats tous les jours : gavros (petits poissons fris), des petits pains au miel, des crabes bleus qui commencent à envahir la baie et même du sanglier cet hiver. Elle cuisine beaucoup le poisson grâce à Nikos son époux qui continue à pêcher régulièrement malgré ses 85 ans. Vous le verriez ! Il est incroyablement fringant et en plein forme pour son âge. On lui donnerait 15 ans de moins. Son secret, d’après sa femme, c’est l’amour, l’absence de cigarette, très peu d’alcool et une activité physique quotidienne depuis toujours. Aujourd’hui, Eleni est la cuisinière en chef de leur famille. Chaque jours, ses enfants et petits enfants viennent chercher leurs repas chez elle. Nikos quant à lui, il est le taxi de la famille. Il passe son temps à faire des aller-retour notamment pour gérer la petite Katerina, grande copine de Marcel et surtout de Félix. Eleni essaie de la caser avec Félix. On verra dans quelques années si son travail a fonctionné.

Kiki est la voisine d’Elini. C’est une véritable main verte et passionnée de l’église. Elle est ce qu’on appellerai une intégriste prête à traiter sa fille de trainée car elle a eu un enfant hors mariage voire d’islamiste car elle a habité à Abou Dabi pendant un moment. On l’a lancée sur l’élection du nouveau pape et elle nous a dit qu’elle n’aime pas les catholiques. Seuls les orthodoxes comptent à ses yeux. Alexia a réglé ce sujet après quelques prises de becs et nous n’en parlons plus avec elle. Comme je le disais elle a la main verte, son balcon possède des plantes incroyables malgré le manque d’eau du village. Elle s’occupe bénévolement du jardin de l’église qui, il faut le dire est très fleuri. Elle nous amène également des petites choses à manger. Bien souvent du pain béni par le pope du village, quelques gâteaux sucrés pour les enfants ou encore des fruits confits dont elle a le secret.

D’autres personnes comptent d’une manière ou d’une autre pour nous ici : le groupe de giagia qui se retrouve les soirs d’été dans une rue qui descend au port et avec lesquelles nous échangeons quelques mots, le périptero auprès duquel les enfants dépenses l’argent qu’ils ont réussi à trouver par-ci, par-là, le patron du giros du village et surtout sa serveuse qui a un faible pour Féfé, les Kalimera de Manolis tous les matins depuis son balcon bras tendus vers le ciel et point levé pendant que nous prenons notre petit déjeuner, les conseils de Spiros pour les travaux de la maison ou encore les discussions avec Vasso et Soula…